Les « pâtes du cœur ». Ou la vraie recette des pâtes à la sauce tomate.

Les « pâtes du cœur ». Ou la vraie recette des pâtes à la sauce tomate.

Quelle est la question la plus fréquente dans une famille italienne ? - Comment vas-tu ? Quel temps fait-il ? Pour qui voter aux élections ? Que ferai-je quand je serai grand(e) ? En fait, quelle que soit la météo, que l’on soit riche ou pauvre, grands ou petits, en Italie, nous nous posons toujours la même question : qu’est-ce qu’on mange ce soir ?

La deuxième question concerne encore et toujours la nourriture, mais dans la phase terminale du cycle : la régularité du transit. Mon amie cardiologue dit que les italiens ont plus peur de la constipation que de l’insuffisance cardiaque ou de l’instabilité politique. Pourquoi ? C’est simple : parce que la constipation est l’ennemie l’appétit !
Et dans toute famille qui se respecte, il est tout à fait normal que votre « mamma » vous demande le lundi ce que vous voulez manger le dimanche suivant. On se moque certes un peu de nous-mêmes, mais partout dans le monde, notre pays est indéniablement associé à une authentique expérience gustative.

J’avais à peine plus de 8 ans quand quand j’accompagnais ma mère chez la coiffeuse. Et, avec la permission dont seuls les enfants jouissent, j’étais autorisé à l’observer tandis que, dans son arrière-boutique, entre une cliente et l’autre, elle remplissait des bocaux d’aubergines à l’huile d’olive. Je n’oublierai jamais le parfum intense du vinaigre et des feuilles de laurier qui embaumait la pièce.

Mon père était le chef cuisinier de la famille. En bon sicilien, il aimait la bonne table et les bons amis. Mais la famille d’un ouvrier se devait d’être parcimonieuse, c’est pourquoi les portions, certes généreuses, n’étaient jamais trop abondantes pour éviter le gaspillage.

A la maison, nous avions toujours des réserves de pâtes et de sauces. Mon père sillonnait la ville pour choisir religieusement les produits de saison les plus frais au prix le plus bas. Car en Italie, même l’amitié est question de nourriture. C’est à table que l’on renforce les relations sociales et que l’on refait plusieurs fois le monde.

Mon père et la voisine allaient ensemble au marché de gros pour acheter fruits et légumes en grande quantité qu’ils partageaient ensuite entre les 2 familles. Quand maman faisait les « gnocchi », elle me donnait toujours un morceau de pâte avec laquelle j’imitais ses gestes. Et pour moi, c’était un jour de fête : maman, moi, la farine et la pâte, qui, en y ajoutant un œuf, prenait la couleur des épis de maïs. La « pâte » de mon cœur !

Avec les contraintes de la vie moderne, certains rituels de famille se sont perdus, et avec eux, ce pouvoir qu’ils avaient de donner de l’amour, qui, pendant de nombreuses années, a été considéré comme « obsolète ». Le bien-être du boom économique nous a éloignés de nos traditions et nous a presque fait perdre la cuisine de nos mères et grand-mères.

Il aura fallu un brin de crise économique et quelques programmes TV populaires sur la gastronomie pour nous aider à redécouvrir l’amour des bonnes choses ainsi que notre capacité à nous « débrouiller » en cuisine. Et pas que… Les produits italiens ont cette grande qualité : ils sont sains, nourrissants, et même s’ils sont « originaux », ils peuvent être cuisinés simplement.

Par exemple, il n’est absolument pas nécessaire d’être italien pour savoir préparer les spaghetti. Mais demandez à un italien comment les cuisiner pour que tous les ingrédients vous donnent leur vraie saveur et vous découvrirez que la différence se cache dans de petits détails : la cuisson, la juste quantité de condiment et le fait de tenir compte que ce sont les pâtes mêmes qu’il faut sublimer.

Sachez que, aujourd’hui encore, lorsque je suis submergé par des pensées noires ou par l’anxiété, je vais dans ma cuisine et me prépare un plat de spaghetti à la sauce tomate et au basilic.

LA RECETTE

Il me faut simplement des spaghetti, une casserole d’eau, du gros sel, des tomates pelées de qualité ou fraîches et bien mûres, du basilic aux feuilles rondes et charnues (celui aux feuilles longues a un goût de menthe trop prononcé), une gousse d’aile et une pincée de sucre.

La raison pour laquelle nous italiens attendons que l’eau bouille avant d’y ajouter le sel et les pâtes, c’est que dans cette même eau bouillante nous pouvons d’abord plonger les tomates et toutes nos idées noires. Nous pourrons ainsi peler plus aisément les tomates ébouillantées et découper la pulpe en petits dés en prenant soin d’en éliminer les graines. Dans une poêle, on fait chauffer un peu d’huile d’olive et une gousse d’aile écrasée dans sa peau. Lorsque l’huile est chaude elle crépite autour de l’ail qui libère ainsi son arôme aussi doux et piquant que la vie. Ajoutez les tomates et une pincée de sel (très peu parce que les pâtes seront déjà salées) et laissez cuire à feu doux sans couvrir. La sauce commencera à se réduire et le rouge vif deviendra plus foncé. Pendant ce temps, ajoutez le gros sel dans l’eau bouillante et « jetez-y » (de l’expression italienne « buttare » la pasta = jeter les pâtes dans l’eau) les spaghetti, bien droits, comme un nageur qui sauterait depuis un plongeoir. A l’aide d’une louche, prenez un peu d’eau de cuisson et ajoutez-la à la sauce tomate qui redeviendra brillante et onctueuse.

Surveillez les spaghetti qui, entre-temps, se seront laissés aller à la chaleur relaxante de l’eau, tout comme nous.

Eteignez le feu sous la sauce tomate et ajoutez quelques feuilles de basilic. Goûtez-la et ajoutez un peu de sucre si la sauce vous paraît un peu aigre.

Egouttez les pâtes idéalement une minute avant la fin du temps de cuisson indiqué sur l’emballage.

A l’instar des grandes décisions, tout est question de proportions. Il faudra donc que la quantité de pâtes soit adaptée à la quantité de sauce : elles ne doivent pas être noyées sous la tomate ni être à peine colorées.

Vous sentirez la douceur des spaghetti au contact des tomates, le parfum du basilic et la consistance des pâtes qui doivent résister sous la dent, comme les problèmes résistent aux solutions.

Le sucre des pâtes « monte » au cerveau et, comme par magie, je me sens immédiatement moins triste. Et après avoir terminé mon assiette, je suis de nouveau capable d’assumer mes choix… comme celui de me resservir ou de changer de travail !

Les pâtes à la sauce tomate sont un anti-stress et ne font pas grossir si consommées avec modération. Vous pouvez aussi essayer les spaghetti complets. Dans ce cas, j’ajoute à la sauce tomate des olives taggiasche.

E c’est ainsi que, en bon italien, quand j’ai le « blues » et me demande ce que je vais manger le soir, il n’y a qu’une seule et unique réponse : les Spaghetti à la tomate et au basilic. Parce que les problèmes, c’est comme les spaghetti : il suffit d’en prendre un et les autres se défont tous seuls… Parole d’italien !

Stan Ford

Qui est Stan Ford ?

« Il est deux choses dont je ne me lasserai jamais : faire de nouvelles rencontres et explorer la richesse de la gastronomie italienne.

J’ai toujours considéré que la cuisine italienne était la façon la plus instinctive de communiquer, de demander pardon, d’espérer, d’être certains que l’on se reverra tous autour d’une bonne table. J’ai eu la chance d’être accueilli dans de nombreuses familles italienne, et, dans mon pays, cela signifie passer du temps dans la cuisine avec les mamans, les grands-mères, les amies à parler de la vie, des rêves, de politique ou d’amour, pendant que l’on prépare le repas, qu’il soit frugal ou copieux.

C’est tout cela que je souhaite partager avec vous, à travers mes récits et mes recettes. Car il suffit d’un peu de bonne huile d’olive du paysan, ou de légumes du potager, pour nous sentir heureux malgré tout. Je suis tel que vous me voyez : impétueux comme la mer, solide comme un olivier, généreux comme nos campagnes et authentique comme nos saveurs. »